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Covid-19 : les cris de détresse des médias privés au Cameroun

Covid-19 : les cris de détresse des médias privés au Cameroun

Le Covid-19 continue de sévir dans le monde. Il fait toujours autant de victimes dans les pays occidentaux et asiatiques, un peu moins en Afrique. En dépit des pronostics macabres de certaines organisations et d’intellectuels dévoués au catastrophisme.

La pandémie fait également des victimes sur le plan économique. De nombreuses alertes ont été lancées par la communauté internationale au sujet d’une crise alimentaire et une crise économique mondiales. De nombreux chefs d’entreprise dans le monde ont également exprimé leur crainte de ne pouvoir reprendre leurs activités après le Covid-19 pour des raisons économiques. Les entreprises au Cameroun ne se portent guère mieux. Dans le secteur des médias précisément, la situation est alarmante si on s’en tient aux déclarations des patrons des entreprises de presse. Depuis quelques semaines, ceux-ci lancent des appels à l’aide au gouvernement. Le journal InfoMatin avait lancé le premier cri de détresse le 15 avril 2020. À sa une, il indiquait : « Covid-19 : Dion Ngute abandonne les médias privés ». Une accusation assez récurrente au sein de la presse camerounaise, notamment lors d’événements importants. Le journal estime que « le gouvernement a ostracisé, comme il le fit déjà lors du Grand dialogue national, les supports à capitaux non étatiques qui, souvent et mieux que les relais bénéficiant des fonds publics, mènent la sensibilisation et la mobilisation auprès des masses. » InfoMatin décrit la situation précaire des médias privés au Cameroun. Une situation qui se serait accentuée avec la pandémie du Covid-19. Les patrons des médias privés estiment qu’ils sont abandonnés à eux-mêmes dans ce combat alors qu’ils y contribuent pleinement. Ils reprochent au gouvernement de n’avoir pas mis la communication au cœur de la riposte. D’autre part, ils disent que l’État camerounais accompagne les médias de service public qui reçoivent par ailleurs diverses subventions publiques.

Lancé en début de semaine dernière, ce cri de détresse sera repris par d’autres journaux privés dont La Météo. Il faut cependant préciser que le propriétaire du journal La Météo est également le propriétaire du journal InfoMatin… Une semaine après le premier cri de détresse, Dieudonné Mveng revient à la charge en faisant publier une lettre au président de la République, Paul Biya. La une du journal La Météo du 20 avril 2020 illustre parfaitement la situation : « Covid-19/Crise économique : les médias privés appellent le chef de l’État au secours », le directeur de publication de La Météo interpelle le chef de l’État : « Président de la République, Sauvez les médias à capitaux privés. Si rien n’est fait dans l’urgence, c’est la mort assurée des médias à capitaux privés qui est enclenchée. » S’alarme le journal en page intérieure.

D’autres journaux vont se faire l’écho du cri de détresse des médias privés : Le Point Hebdo a publié la lettre au président de la République et titré en une de son édition du 21 avril : « Précarité : la presse privée crie au secours ». Le journal Perspectives d’Afrique quant à lui annonce un « péril sur la presse privée au Cameroun ». The Guardian Post Daily du 22 avril 2020 relaie également ces « pleurs » des médias privés : «  As Covid-19 cripples economy : private media owners cry out to Biya for rescue », « Owners of private media organs in Cameroon, seriously hit by the economic challenges of the coronavirus pandemic, have written an open letter to the Head of State, Paul Biya, pleading on him to save them in this period of extreme need. » Le Soir Trihebdo annonce les « médias privés en larmes : Paul Biya appelé au secours ». Cette situation de la presse privée, certes loufoque dit, dans la réalité, le degré de précarité d’un métier dont il faut (re)penser les ‘modèles’ économiques.

Cette semaine la presse camerounaise s’est également intéressée au « don spécial » du président de la République. La Météo titre le 22 avril 2020 : «  Don spécial : 2 milliards pour affronter le Covd-19. » Le journal annonce cette mesure salutaire prise par le chef de l’État pour combattre la pandémie. Cette information est reprise par La République Presse du 21 avril 2020 : « 2 milliards pour affronter le Covid-19 » indique le journal à sa une. Le président Paul Biya donne deux milliards à 360 arrondissements pour la lutte contre le coronavirus : « 02 milliards de matériels offerts aux 360 arrondissements pour la lutte contre le coronavirus : l’acte éloquent de Paul Biya ». Le journal Le Quotidien en date du 21 avril 2020 quant à lui précise : « Covid-19 au Cameroun : Paul Biya parle et confond ses détracteurs ».

Ce « don spécial » du chef de l’État est perçu par Réalités Plus comme une réponse aux différents détracteurs du président de la République du Cameroun : « Lutte contre le Covid-19 parlez encore ! Paul Biya dote les 10 régions de matériels de combat ». De fait, la parole du président de la République était attendue. Il n’a pas parlé, selon certains médias, mais a agi. Les opposants au régime sont ainsi invités par la presse à se taire. L’hebdomadaire L’Anecdote a qualifié l’acte du chef de l’État face au Covid-19 de « grand coup humanitaire ». Le journal présente cette action non comme un devoir, en raison des attributions du ‘donateur’, mais comme une faveur, un acte humanitaire…

Dans le même numéro du 22 avril 2020, La Météo traite « Manaouda Malachie [de] « roi du « one man show ». Il précise que : « prestidigitateur devant Dieu et les hommes, le Ministre de la Santé multiplie les artifices pour enfumer l’opinion nationale et masquer son incompétence ». Il critique l’action du Dr Manaouda Malachie dans la mise en œuvre de la riposte. À l’opposé, deux autres titres de presse félicitent cette action : « Lutte contre la pandémie du coronavirus : gestion magistrale du Minsanté », « Plan de riposte du gouvernement camerounais au coronavirus : la touche particulière et efficace du Dr Manaouda Malachie… » C’est le titre de La République Presse du 23 avril 2020. Quant au journal Réalités Plus du 23 avril 2020, il proclame : « Paul Biya satisfait de Manouada et du corps médical ».

Dorothée B. Ndoumbe

Dorothée B. Ndoumbe enseigne les Sciences et techniques de l'information et de la communication à l'Université de Yaoundé II-Soa (ESSTIC). Elle est également Senior Researcher à The Muntu Institute [African Humanities and Social Sciences]

Commentaire : 1

  1. André Ottou Ottou dit :

    Merci Dr. Ndoumbè, pour cet édifiant état des lieux. Reste à espérer que le SOS des médias privés CAMEROUN soit entendu par qui de droit.

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