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Le Covid-19 vu des médias (1)

Le Covid-19 vu des médias (1)

La pandémie du Covid-19 qui sévit dans le monde a fait son entrée au Cameroun depuis le mois de février 2020 et a fondamentalement bouleversé l’agenda de la presse. Traitée au départ comme une menace lointaine, le Covid-19 s’est imposé comme un sujet majeur de l’actualité nationale. Les titres de journaux relaient l’information selon diverses approches. Bien évidemment, le clivage de la presse au Cameroun n’a pas été modifié. Au contraire, le Covid-19 constitue une opportunité pour les acteurs de l’espace public camerounais de continuer la politique par d’autres moyens. Tandis que certains journaux travaillent à accompagner les actions de riposte conduites par le gouvernement, d’autres présentent sans cesse les manquements des autorités dans leur démarche.

Au péril de la vie des citoyens

Lorsque le 2 mars 2020 en Afrique, seulement trois pays enregistraient leurs premiers cas de Covid-19, les Camerounais semblaient bien loin de s’imaginer entrer dans cette spirale de comptage des nouveaux cas contaminés, décédés ou guéris. Effet, « Après les deux premiers notifiés en Egypte et en Algérie respectivement le 14 et le 25 février, le 3ème a été enregistré le 28 février au Nigéria » Indique le journal Mutations. Pourtant, au début de cette pandémie, on a bien entendu ça et là que le Covid-19, une grippe, une simple grippe ne peut pas tuer un Africain. D’ailleurs, selon le journal Mutations, « un chef d’établissement du secondaire sensé sensibiliser sur les mesures barrières a plutôt déclaré que ‘‘la grippe ne peut pas tuer un Africain, je ne vois pas la nécessité de tout ceci.’’ » a-t-il confié au reporter le 12 mars dernier. Fort heureusement, les journaux ont également rendu compte de ce que d’autres responsables d’établissement n’ont pas hésité à prendre des mesures strictes ou alors promis qu’ils feraient appliquer les mesures édictées par l’Organisation Mondiale de la Santé. Le Cameroun, à cette date, n’avait pas encore arrêté les siennes. Pourtant, le premier cas de personne contaminée au Cameroun avait déjà été annoncé le 6 mars 2020 par le Ministre de la Santé publique. « Il s’agit d’un ressortissant français de 58 ans arrivé à Yaoundé le 24 février » précise un journal en ligne. À partir de cet instant, la crainte des « mbenguistes[1] » (voir la vidéo ci-dessous) va s’installer au sein de la population camerounaise, même si celle-ci en rit de bon cœur. On se rappelle cette vidéo dans laquelle une dame arrive en courant et en s’écriant : « Cachez-vous ! Cachez-vous ! Ils arrivent, ils arrivent les mbenguistes ! Et tout le village va se mettre à fuir pour trouver un refuge ». Mais, surtout, une certaine psychose va s’emparer de la presse camerounaise. La plupart des titres vont reprendre régulièrement en première page une information relative à cette pandémie. Le quotidien Le Jour titre le 17 mars : « Ils s’enfoutent du Coronavirus ». Le journal voulait ainsi attirer l’attention des lecteurs sur la nécessité de respecter les mesures prescrites par l’OMS et le gouvernement camerounais. Le quotidien en ligne www.journalducameroun.com dans un article publié le 17 mars va encore mieux rendre compte de cette psychose qui s’est emparée de la presse au Cameroun.

L’attitude qui est au centre de l’attention et de l’indignation de la presse est certainement le retour au bercail du président de l’Assemblée nationale, Cavaye Yeguié Djibril qui, après un séjour d’un mois en Europe pour des raisons de santé, a refusé de respecter les mesures édictées par le Ministère de la Santé à son retour au Cameroun. Il n’a observé ni confinement, ni mesures dites de distanciation sociale, ni quarantaine, mettant de ce fait en danger tout son entourage familial et professionnel. Dans sa une « Propagation de la maladie : Air Coronavirus », Mutations commence à émettre des vœux de fermeture des frontières camerounaises aux pays à risques et d’autres journaux comme The Guardian Post vont déplorer le refus de s’auto-confiner de la troisième personnalité du Cameroun.

Le 17 mars 2020, le même quotidien, Mutations, va titrer en une « Cavaye, star de l’hémicycle ». Le journal relate que cette autorité camerounaise ne s’est pas sentie concernée par l’appel lancé par le Ministère de la Santé : « Les passagers des vols Air France n°-AF900 et SN Brussels n°371, arrivés à l’Aéroport international de Yaoundé Nsimalen, le 07 mars 2020 à 20h45 et le 14 mars 2020 à 21h, à bien se signaler de toute urgence » aux numéros verts activés pour la circonstance. » Par ailleurs, « les intéressés ont été appelés à se mettre en quarantaine pendant 14 jours et à limiter les contacts avec leurs proches. » Pour enfoncer le clou, et prendre une fois de plus l’opinion publique à témoin, Mutations, dans sa livraison du 30 mars 2020, va annoncer en une : « Les stars du bêtisier du Coronavirus au Cameroun ». Le journal ironisait sur la manière dont les acteurs politiques camerounais, face à cette pandémie, essayaient surtout de « protéger leurs avantages et leur place » au détriment de la vie de leurs concitoyens. Sur la première page de cette édition du journal, on peut voir les photos de six (06) personnalités camerounaises intervenant dans différents domaines de la vie sociopolitique du pays. Le journal relate les comportements plutôt curieux des acteurs politiques après l’annonce du 1er cas de contamination au Covid-19 au Cameroun. Mutations présente à ses lecteurs.rices des autorités qui prennent des décisions visant surtout à protéger leurs intérêts personnels et d’autres qui peinent à trouver des solutions aux problèmes que pose cette pandémie.

Certains journaux ont fait état, avec beaucoup d’ironie, de la manière dont le président de l’Assemblée nationale a fait un retour « triomphal » au Cameroun, en pleine crise sanitaire, afin d’être réélu au perchoir. Enfreignant les consignes de l’Organisation mondiale de la Santé ainsi que celles du gouvernement camerounais, Cavaye Yéguié Djibril n’a pas respecté la période de quarantaine qui avait été instituée par le Ministre de la santé publique. L’opinion publique a été choquée de voir le président de l’Assemblée nationale qui traînait les pas, faire son entrée dans les locaux du Parlement sans masque, et prendre la parole devant les médias d’une voix à peine audible. « Cavaye Yeguie Djibril : Mon perchoir coûte que vaille » ! a annoncé Mutations qui précisait également que malgré cette attitude du P.A.N. (Président de l’Assemblée Nationale), « Nul n’est au-dessus de la loi » et l’exemple doit venir d’en-haut. De retour au Cameroun le 16 mars, il a repris du service à l’Assemblée nationale en faisant fi des instructions des autorités sanitaires du Cameroun. C’est seulement 10 jours plus tard qu’il fera en public, une prise de température qui sera annoncée à haute et intelligible voix ‘‘36 degrés’’ », précise le journal.

D’autres situations incongrues seront relayées comme cette soustraction des proches de certains responsables des hôtels où ils étaient confinés ainsi que la fuite de certaines personnes dites suspectes. Des faits pour lesquels le Ministre de la santé ne cessera d’en appeler à la responsabilité individuelle et collective. C’est sans doute sa seule véritable arme. Mais pour répliquer à Cavaye Yeguié Djibril qui est resté sourd à ces appels, le Dr Malachie Manaouda ne s’est pas non plus présenté à l’hémicycle pour répondre aux questions orales des députés. Le Quotidien Emergence dit à ce sujet dans son édition du 6 avril que le Ministre de la santé publique a fait « faux bond » aux députés : « Coronavirus. Manaouda Malachie drible les députés. » En effet, « Attendu jeudi dernier pour une rencontre avec les élus de la nation, le ministre de la santé leur fera faux bond, sans explication. » Pourtant, cette rencontre portait sur la crise sanitaire en cours. De nombreux députés ont réagi à « ce manque d’élégance et de respect » du Ministre de la santé publique, même si l’opinion publique quant à elle y a donné deux explications : l’urgence sanitaire à laquelle le Ministre et ses équipes font face mais aussi une réponse de Manaouda Malachie au président de l’Assemblée nationale qui a refusé de respecter les mesures édictées par son département ministériel, mais aussi l’ensemble des députés qui n’ont à aucun moment regretté cet acte de défi et d’immaturité de leur collègue. D’ailleurs, la thèse de la rébellion et de riposte à l’acte de Cavaye Yeguié Djibril sera la plus répandue et retenue. En effet, le Minsanté a pris part dans la même journée à une réunion ministérielle présidée par vidéoconférence par le premier ministre Joseph Dion Nguté.

Silences présidentiels et complots contre le président

Le silence du président de la République a abondamment défrayé la chronique des médias locaux et internationaux. Comme s’il s’agissait d’une nouveauté… Certains journaux n’ont pas fait que s’en étonner, ils ont aussi frappé de vacuité les appels et injonctions faites au chef de l’État à s’exprimer sur la crise. Ainsi, Réalité Plus dans son édition du 30 mars interroge : « Coronavirus, Paul Biya doit parler pour dire quoi ? » Dans le même temps, le journal en profite pour mettre en évidence la thèse du complot des grandes puissances qui auraient inventé cette maladie pour faire souffrir les plus pauvres que sont les populations africaines. « Les GENS inventent leur maladie, la balancent en Afrique pour paralyser tout et monter les Africains contre leurs dirigeants. Malgré cette autre attaque Paul Biya a mis sur pied une artillerie lourde pour mener le combat contre la pandémie. Une bande de gesticulateurs et politicards avide du pouvoir exige qu’il s’adresse au peuple dans un ton pas du tout décent, juste par souci de se faire voir pour rien », ce journal. Ce dernier a également fait allusion à l’ultimatum de Maurice Kamto à Paul Biya. En effet, l’opposant camerounais, président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun, MRC, dans une communication devenue virale dans les réseaux sociaux avait intimé au président Paul Biya à prendre la parole dans un délai de sept, (07) faute de quoi il (Kamto) prendra ses responsabilités. Cette sortie de l’opposant a été relayée et analysée par de nombreux journaux. Le Soir du 30 mars va intituler sa une comme suit : « Covid-19 : Kamto ignore-t-il les règles dans une République ? » Le journal indique que le peuple dans sa majorité s’indigne de cette sortie et la classe politique camerounaise s’interroge sur l’opportunité d’une telle sortie. « De quelle responsabilité parle l’auteur ? A-t-il une responsabilité vis-à-vis du peuple camerounais ? Si oui par quelle alchimie ? » S’indigne le journal Le Soir.

Le quotidien InfoMatin de la même date va aller dans le même sens en publiant en grande une un titre assez évocateur de sa position face à cette polémique que suscite la communication de Maurice Kamto : « Grégoire Owona : ‘‘M. Kamto, qui êtes-vous pour donner un ultimatum à un chef d’État ?’’ Le Sga du Rdpc, par ailleurs Ministre du Travail et de la sécurité sociale, adresse une sévère mise en garde au leader du Mrc au sujet de ses délires sur le coronavirus au Cameroun. » L’emphase visuelle est faite par le journal qui, non seulement barre toute sa une avec ce seul titre, mais aussi, effectue un jeu de couleur sur certains groupes de mots, « qui êtes-vous » et « chef d’État ».

Réalité Plus va quant à lui rendre compte du « recadrage » de Fame Ndongo à Kamto : « Covid-19 : Fame Ndongo recadre Kamto dans ses gesticulations ». Jacques Fame Ndongo rappelle ici les différentes mesures prises par le chef de l’État dans le cadre de la lutte contre la pandémie du Covid-19. Plus important, Le Secrétaire à la communication du RDPC (Rassemblement Démocratique du Peuple Camerounais, parti au pouvoir) précise que « Dieu continuera à bénir le Cameroun. Une sortie intempestive du président de la République Paul Biya pourrait tourner à la psychose. Sachons calme garder, car notre champion est une force tranquille et nous sommes ses lieutenants. L’efficacité s’exerce dans la sérénité d’abord. Ce ne sont pas les grandes déclarations de circonstance qui viendront à bout du coronavirus. On juge le maçon au pied du mur et non au vacarme de sa truelle. » Ce même journal va publier à sa une du 30 mars 2020 et celle du 7 avril 2020 la réaction de l’avocate et députée Me Fostine Fosto qui invite Kamto à garder silence et d’éviter de faire de la récupération politique : « Covid-19 et récupération politique, Hon Dr Me Fostine Fotso invite Kamto à se taire. », « et à féliciter toutes les mesures salutaires prises par le président Paul Biya élu le 7 octobre 2018 par le peuple camerounais à 71%. ».

La riposte apportée à la communication de Maurice Kamto va s’intensifier avec l’entrée en scène le 6 avril 2020 de plusieurs journaux qui dans leur première page vont insister sur le fait que le président de la République du Cameroun est le seul maître à bord et donc celui qui dirige le bateau et donne des instructions ; « Lutte contre le Covid-19. Paul Biya à la manette. » Le journal L’Anecdote indique que Paul Biya a pris un certain nombre de mesures qui prouvent à suffisance qu’il tient les rênes du Cameroun : « création d’un fonds de solidarité, mesures spéciales pour les personnes atteintes de la maladie, multiplication des initiatives en faveur des malades et des confinés, le chef de l’Etat camerounais a pris la mesure de la gravité de la situation et suit de près les opérations », précise L’Anecdote.

La Météo du 6 avril va renchérir : « Contre le Coronavirus : Paul Biya monte en puissance ». Le journal raconte la descente sur le terrain du Secrétaire général de la présidence de la République, Ferdinand Ngoh Ngoh, des Ministres de la Santé publique, Manaouda Malachie, du Commerce, Luc Magloire Mbarga Atangana et du Gouverneur de la Région du Centre, Nasseri Paul Bea « dans les différents centres des opérations d’urgence, pour apprécier le déroulement des travaux d’aménagement des sites qui vont désormais servir à l’accueil, au dépistage, au confinement et au traitement. »

Réalités Plus, de la même date, va annoncer : « Lutte contre coronavirus. Paul Biya dépêche Ngoh Ngoh Ferdinand pour inspecter les sites. » « Homme d’action, le président Paul Biya ne voudrait pas être rattrapé par la monté rapide de la maladie. » Le journal révèle les instructions données au Secrétaire général de la présidence de la République. Il s’agit notamment de veiller à la prise en charge et l’encadrement de tous les malades et de l’aménagement de tous les sites, sans délais.

D’autres journaux iront plus loin dans la thèse du complot contre l’Afrique et même contre le président camerounais. « Covid-19 : L’agenda caché. Des documents secrets du Quai d’Orsay projettent une hécatombe des populations africaines sous une Opération Pangolin au relent de malthusianisme. » Ce titre en première page du journal L’Indépendant du 6 avril 2020 est développé en page 2 dans l’éditorial où l’auteur précise que le coronavirus est une « guerre bactériologique ». Le journaliste revient sur l’échange diffusé sur la chaîne LCI, dans « lequel un médecin anesthésiste et un directeur de recherche sur l’expérimentation prochaine d’un vaccin en Afrique. » Qualifié de « plan machiavélique » par le journal, ce projet de vaccin en Afrique aurait provoqué un tollé général. « La société civile, les intellectuels et autres aiguilleurs de conscience, sont sur le pied de guerre. Ils ne laisseront pas passer un tel scandale. Les chefs d’Etat africains qui oseraient pactiser dans ce plan de destruction massive des populations africaines, feront face à la fis au soulèvement populaire et u jugement de l’histoire. Des documents secrets du Quai d’Orsay, projettent une hécatombe des populations africaines sous une Opération Pangolin au relent de malthusianisme. » Prévient le rédacteur de l’article.

Un complot de plus, relayé par la presse, est celui qui consiste à utiliser le Coronavirus comme une arme contre le régime Biya. « Déstabilisation du régime Biya. Coronavirus, la nouvelle arme du complot. » Le tri-hebdomadaire Essingan indique que la gestion de la pandémie est utilisée par certains adversaires politiques et acteurs du sérail pour la chute du régime Biya. Pour fragiliser davantage le chef de l’État et l’isoler, ces « mêmes officines animées par ces acteurs, ont entrepris de fragiliser Franck Biya, son fils aîné, l’accusant de velléités pouvoiristes, dans le cadre d’une virulente campagne à travers les médias et réseaux sociaux ».

Une autre situation qui a suscité de l’ironie dans la presse est bien celle du Ministre des Sports et de l’Education Physique qui, malgré l’annonce des premiers cas de contamination au Covid-19 au Cameroun avait quand même décidé de maintenir la tenue du Championnat d’Afrique des Nations, CHAN, du 4 au 25 avril 2020, c’est-à-dire en pleine crise sanitaire mondiale. Pour les journalistes, le Ministre a été guidé par ses intérêts personnels au détriment de la vie des populations. Il affirmait en effet que « les autorités camerounaises ont pris diverses mesures de ripostes et mis en œuvre un plan efficace de lutte contre cette pandémie ». Visiblement, Narcisse Mouelle Kombi n’avait pas encore pris la mesure de la chose. Mais le journal Mutations estime que « dans son désir obsessionnel, il va vite en besogne en affirmant qu’aucune mesure de fermeture des frontières n’a été prise ». Seulement, « le coronavirus a finalement eu raison du soldat Mouelle Kombi le 17 mars 2020, jour où la CAF a statué sur le renvoi du CHAN », affirme Mutations. Les journalistes ont saisi cet exemple pour prendre pour rappeler que les intérêts personnels des autorités camerounaises passent très souvent avant les intérêts communs.

Le préfet du Mfoundi va également défrayer la chronique dans les médias. En effet, mis en quarantaine après leur retour des pays à risque, certains Camerounais ont décidé de recevoir des prostituées dans l’hôtel où ils logeaient, passant outre les consignes du préfet du Mfoundi, Jean-Claude Tsila. Au-delà de la dangerosité de leur comportement, c’est bien le caractère ironique de la situation qui sera retenue par les médias : un préfet qui recherche des prostituées ayant séjourné dans un hôtel logeant des personnes mises en quarantaine.

Chauves-souris et morts encombrantes

« Non, le Covid-19 n’est pas une maladie honteuse » insiste une journaliste. Certes, cette pandémie n’est pas une maladie honteuse ! Encore faudrait-il en convaincre les populations et parfois certaines autorités. La presse et les réseaux sociaux numériques ont mis en lumière des morts du Covid-19 jugées gênantes par certains qui pensent que cette maladie est honteuse, comme l’a été jadis le VIH/SIDA. Alors qu’un ancien international de football camerounais avait annoncé la mort des suites de Covid-19 d’un membre de sa famille, le Directeur de l’Hôpital Laquintinie de Douala où la victime est décédée récusait cette affirmation en qualifiant le journal d’être « une certaine presse ». La fin de cette polémique sera due à l’intervention du Ministre de la santé publique qui va confirmer une mort des suites du Covid-19 et regretter que le patient n’ait pas été dépisté plutôt.

Les chauves-souris de Madeleine Tchuente ont aussi fait les choux gras de la presse camerounaise. La Ministre de la recherche scientifique et de l’innovation a annoncé à la presse que les chauves-souris étaient à l’origine du Covid-19 et elle a saisi cette occasion pour inviter les populations à ne plus consommer les chauves-souris, les serpents et les pangolins. Elle a également indiqué que son département ministériel est à mesure de produire en nombre suffisant des comprimés de chloroquine nécessaire pour la prise en charge des malades du Covid-19 au Cameroun. Le journal Mutations n’a pas manqué de souligner son étrange déconnection des grands enjeux de l’heure en affirmant qu’elle était « hantée par les chauves-souris. Au moment où le débat est axé sur le traitement possible contre le Covid-19, la Minresi est allée fouiller dans le nid de ses animaux ». Depuis le 7 avril 2020, des vidéos circulent qui invitent la Ministre à se taire car sa parole n’honore pas les siens. Le 9 avril, la Ministre a reçu mandat du chef de l’État de produire de la chloroquine, des masques ainsi que les gels hydroalcooliques.

Sauver l’économie camerounaise

La presse s’inquiète de ce qu’il adviendra de l’économie camerounaise et africaine au cours de cette pandémie et surtout après sa maîtrise. La Commission Économique des Nations Unies pour l’Afrique a fait des prévisions qui ont été reprises par les journaux. Selon la CEAC, « le continent devrait enregistrer une croissance de 1,8% au lieu de 3,2% qui étaient jusqu’ici envisagés » indique Mutations du 18 mars 2020. L’inquiétude des opérateurs économiques au sujet de l’impact que pourrait avoir la pandémie sur l’économie camerounaise est largement discutée dans les journaux. Nous sommes à l’heure de la mondialisation, cela n’est pas une révélation, mais surtout le pays continue d’être plus porté sur l’importation de certains produits essentiels. Les frontières se sont fermées autour des pays limitrophes du Cameroun. De même, les autorités ont suspendu au début du mois de février, l’importation des produits halieutiques issus des zones à foyers actifs de l’épidémie. La chute du cours du pétrole début mars 2020 en Asie va également impacter l’économie camerounaise : « le pays a prévu de financer une partie de son budget avec 443 milliards Fcfa issus des recettes pétrolières et gazières », observe Mutations du 10 mars 2020. Le secteur touristique n’est pas en reste. Le pays prévoyait recevoir au moins un million de touristes cette année 2020 avec l’organisation de diverses compétitions sportives et rencontres internationales. Cependant, il atteindra difficilement le cap de huit cent mille touristes de l’an dernier.

Le plan de riposte contre le coronavirus a, de fait, un impact sur l’économie. Pour le journal Défis actuels, il s’agit de la « baisse des recettes fiscales et douanières, baisse du volume des échanges commerciaux de l’ordre de 65%, chute du chiffre d’affaires dans le secteur informel, amaigrissement du panier de la ménagère… ». L’Économie Report du 6 avril s’interroge également à sa une : « Covid-19 : Comment le virus attaque les prévisions économiques ». Il affirme que « l’avènement de la pandémie a bouleversé l’ordre qui était envisagé et le gouvernement doit faire des réajustements pour s’adapter au contexte actuel et à venir. » En effet, l’annulation de nombreuses rencontres internationales qui auraient dû avoir lieu au Cameroun en 2020 va avoir un fort impact sur l’économie du pays. Le Jour renchérit en annonçant que le Coronavirus va asphyxier l’économie. Dans l’édition du 6 avril, le quotidien montre que « Hormis le bois, le caoutchouc, le coton ou encore les bouteilles, qui continuent d’être exportés en quantité minables, du fait de la pandémie, l’essentiel de la production locale est à l’arrêt, les importations et les exportations suspendues. Non sans effets néfastes escomptés sur la croissance. »

L’État est invité à réfléchir à comment sauver l’économie et aussi comment permettre à toutes les couches sociales, tous les secteurs d’activités, de se relever après cette pandémie qui fera indubitablement beaucoup de dégâts dans le tissu économique camerounais comme ailleurs sur le continent et dans le monde.

[1] Nom que l’on attribue aux personnes vivant en Europe ou y ayant séjourné sur une longue période

Béatrice Dorothée Ndoumbe

Béatrice Dorothée Ndoumbe enseigne les Sciences et techniques de l'information et de la communication à l'Université de Yaoundé II-Soa (ESSTIC). Elle est également Senior Researcher à The Muntu Institute [African Humanities and Social Sciences]

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