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La revanche du E-Learning au Cameroun par temps de Coronavirus

La revanche du E-Learning au Cameroun par temps de Coronavirus

L’école traditionnelle semble désormais avoir fait son temps, les situations nouvelles plus complexes que celles d’hier interpellent au plus haut point le gouvernement de la République. Mardi 17/03/2020,  la stratégie gouvernementale de riposte face à la pandémie de coronavirus (COVID-19) (Biya, 2020) a fait l’objet d’une  Déclaration spéciale rendu publique par le PM Chef du Gouvernement Chef Joseph Dion Ngute. Une intervention du Premier Ministre Chef du Gouvernement pour donner le ton à toute l’urgence et l’importance de l’impact que pourrait avoir la pandémie du COVID-19 si rien n’est fait. Il est question de mettre en œuvre des solutions ajustés et adaptés au niveau observé du risque d’une année blanche au Cameroun du fait de l’application des mesures prises. Entre autre, la fermeture des écoles primaires, établissements d’enseignements secondaires, les universités et grandes écoles ainsi que les structures de formation professionnelles nous interpelle et appelle de notre part, une prise de conscience pour une participation et la mise en œuvre de solutions urgentes, efficaces et pertinentes. Cette situation semble désormais avoir sonné le glas du quasi-monopole du mode traditionnelle essentiellement présentiel du système éducatif au Cameroun.   

Face à cette situation, nous notons à la suite du Premier ministre chef du gouvernement, une série de réactions des Recteurs des Universités d’Etats, les Ministres de l’Education de Base et celui des enseignements secondaires, quelques Directeurs des grandes Ecoles, le Ministre de l’enseignement supérieur, Grand chancelier des ordres académiques, Le Pr Jacques Fame Ndongo, par un communiqué de presse du 20 Mars 2020 qui préconise : « au plan pédagogique : la mobilisation des technologies de l’information et de la communication à l’effet de poursuivre les activités de formation en ligne grâce aux outils numérisés accessibles aux étudiants, dont en particulier les plateformes numériques institutionnelles d’enseignement en ligne et les médias sociaux. » …. « Les soutenances des thèses  et mémoires considérées comme prioritaires par voie de visioconférence ».

Il est question pour nous de faire observer que cette situation n’a pas désemparé le corps enseignant qui reste un médiateur pour ses élèves même à distance. Le confinement a tout simplement contraint à l’adoption d’une nouvelle forme de pratiques pédagogiques réservées au e-learning. Il faut simplement armer l’autonomie et la capacité d’initiative des élèves en leur proposant cette piste de réflexion pour leur travail à distance. Il est également question de développer les compétences professionnelles des enseignants par une transposition didactique, une transformation des cours déjà préparés pour le présentiel en cours à distance, sans perte de savoir à enseigner.    

La résistance longtemps faite à l’intégration des TIC dans l’enseignement au Cameroun pour des raisons diverses vient de voler en éclat, ouvrant de ce fait une nouvelle ère, celle de la revanche que prend actuellement le e-learning,  l’enseignement et la formation à distance sur le présentiel. Tout d’un coup, l’on vante les mérites de l’enseignement à distance. Cette situation nouvelle par les contraintes qu’elle impose, semble augurer voir produire du développement des compétences. « Le premier impact est que les professeur.e.s, qui étaient éloignés de l’utilisation du numérique dans leur pratique en classe, se découvrent capables de proposer des cours à distance. » la situation du confinement explique Pr Line Numa Bocage, « met à jour la créativité et l’inventivité des enseignants.e.s et aurait un effet positif sur les pratiques pédagogiques au point de changer l’école. » Cette situation va exiger l’appropriation de nouveaux outils (Plate-forme de formation à distance, chat, forum de discussion, de nouvelles activités avec les élèves et étudiants, avec les collègues, la hiérarchie et même les parents. Bref avec l’ensemble des acteurs de la communauté éducative, mais cette fois à distance. La découverte des espaces collaboratifs de travail. Les nouveaux modèles d’enseignement et d’apprentissage.

Une note de service du Délégué régionale des Enseignements Secondaire pour l’Ouest du 23 mars 2020 intitulée « Proposition de solutions pouvant permettre aux élèves de recevoir les enseignements à distance …. » entre autre, solliciter des chaines de radios locales pour la diffusion des émissions radiophoniques d’accompagnement des candidat aux examens officiels … » « Exhorter les enseignants à produire les cours vidéo ou audio et à les mettre à la disposition des élèves. »

Il est important de noter que cette forte et subite intégration des TIC en éducation au Cameroun doit se faire en gardant à l’esprit le modèle ASPID d’intégration pédagogique des technologies en contexte éducatif. (Karsenti, Modèle ASPID du processus d’intégration des technologies en éducation, 2014).   Et dans le même ordre d’idée le constat suivant : « Ce sont les usages des technologies en éducation qui font la différence, et non les technologies elles-mêmes. » (Karsenti & Collin, Avantages et défis inhérents à l’usage des ordinateurs portables au primaire et au secondaire, 2013). Il est question de conduire une revanche pouvant tenir dans la durée pour maintenir le sentiment d’efficacité qui est en train de naitre chez l’ensemble des acteurs. Pour une fois, l’ensemble des détenteurs d’enjeux, adeptes de l’école traditionnelle, qui ont une connaissance assez légère de l’enseignement à distance qui leur rappelle les cours par correspondance, ont face à cette pandémie la preuve de l’évidence de la plus grande limite d’un système éducatif camerounais qui, continu jusqu’à date, exclusivement avec l’école en présentiel.

Quelques signes dans l’environnement camerounais, ont tout de même donné l’occasion d’y réfléchir par le passé :

  • Le projet d’amélioration de la qualité de l’éducation de base (PAQUEB) avec l’utilisation du mini-ordinateur Xo dans 51 écoles primaires du territoire national au Cameroun. (Taptue, La scolarisation avec le mini ordinateur XO face au défi de l’efficacité de la supervision pédagogique: Cas du projet PAQUEB au Cameroun, 2018)Les conclusions d’un travail de recherche y relatif ont permis de noter un résultat assez paradoxal quant à l’efficacité de la supervision pédagogique de deux acteurs. Après près de quatre années le projet a été placé aux oubliettes du fait :
    • D’une organisation administrative inappropriée (affectation fantaisiste des enseignants et directeurs d’écoles du projet sans formation pour leur remplaçant)
    • D’une organisation structurelle fortement centrée à Yaoundé au siège du projet, les questions de maintenance des équipements ;
    • D’une organisation des acteurs superviseurs défaillante (des élèves super motivés face à des enseignants en baisse de motivation permanente)
  • Le projet FORCCIR jadis mis en place pour améliorer l’offre de formation en information documentaire et archivistique.

La revanche du e-learning ne sera effective que si toute la communauté éducative prend conscience du retard accusé par le Cameroun dans ce sens et, comme un seul homme décide de mettre la main à la pâte pour saisir l’opportunité que présente cette très lourde mesure de fermeture des écoles. Cette mesure a immédiatement réveillé dans l’esprit de tous et de chacun, la nécessite de l’école à la maison. Cette situation à en fin tiré la sonnette d’alarme pour dire : on doit faire l’école à la maison. La solution toute donnée est bel et bien le e-learning.

Pour mettre cette solution en œuvre, il faut s’y prendre en respectant les normes et les standards requis en la matière. Nous allons rappeler ici les principales étapes à respecter, étapes qui de nos jours sont enseignées dans les universités à travers le monde. De plus en plus à distance pour rapprocher la formation des apprenants.  « Le numérique éducatif doit être inscrit au rang de priorité nationale pour les pays en développement »  (Taptue, 2020)

Ces dernières années, la formation en ligne est de plus en plus utilisée pour former/enseigner avec notamment l’apparition des MOOCs. (Les plates-formes FOAD, le téléenseignement par radio, TV etc…) Les outils de création de cours en ligne et ressources d’apprentissage en ligne sont devenus plus simples, mieux adaptés et multiplateformes et plus performant. Il est véritablement temps pour notre pays de prendre les choses en main.

Cette revanche va permettre, face à cette pandémie redoutable du Corona virus, de mettre en place et d’accélérer la diffusion de la formation à distance pour assurer et assumer  la continuité pédagogique et didactique. Il sera désormais possible de se former en ligne dans les différents ordres d’enseignement, afin d’améliorer la qualité pédagogique de la formation en ligne et faire le bon choix  parmi les outils numériques existant.

Pour s’y mettre, le respect scrupuleux des étapes suivantes est fortement recommandé :

1 – Conduire une étude préalable ;

2 – Analyser et structurer les contenus pédagogiques ;

3 – Elaborer des scénarios pédagogiques et des interfaces pour chaque unité d’enseignement ;

4 – Concevoir des supports multimédia et supports d’encadrement pédagogique ;

5 – Sélectionner une plate-forme e-learning en fonction de :

  • son ergonomie (doit être évocateur des espaces d’enseignement et d’apprentissage du présentiel) ;
  • la sécurité des données (un site web https) ;
  • sa charte graphique (cohérence des couleurs et autres taille et types de caractères, nombre de clic pour accéder aux informations/activités etc…);
  • sa convivialité (qui donne envie de consulter et d’y circuler) ;
  • l’application du design incrémentiel itératif qui prend en compte la granulosité (Bloom) de chaque cours ;

6 – Produire  et insérer les cours dans l’environnement d’apprentissage dans le strict respect de la déclinaison de la structuration de chaque contenu en :

  • système d’entrée (file de discussion dans le forum, vérification des prérequis, découverte du titre du cours);
  • système d’apprentissage (présenter l’objectif, les séquences du cours, les évaluations formatives/ exercices d’application et leurs corrections, les exercices de consolidation)
  • système de sortie. (Vérification du niveau d’appropriation des apprenants, exercices à domicile, files de discussions dans le forum…)

7 – Produire un rapport de l’insertion, de l’expérimentation et de l’évaluation de l’ensemble du projet.

NB : Dans cet ordre d’idée, deux cours offerts à distance devraient permettre de capaciter nos enseignants/formateurs et collaborateur en :

  • Conception et structuration des cours pour la FOAD ;
  • Tutorat des cours en FOAD.
  • Organisation du Travail dans les services en privilégiant le travail à distance

 

En ce 21ème siècle, nous pensons que soutien et l’adhésion de l’ensemble des acteurs de la communauté éducative nationale constitue un véritable plaidoyer en faveur de cette revanche du e-learning au Cameroun. Vivement que cette bataille pédagogique soit engagée pour rassurer et assurer les uns et les autres sur cette possibilité qu’offre ce mode d’enseignement et d’apprentissage pour écarter totalement le spectre d’une année blanche au Cameroun du fait de la pandémie du COVID-19. Pour assurer cette revanche au mieux, Il est important de signaler que la chaire UNESCO en « Francophonie et révolution des savoirs : Education et connaissance à l’ère du numérique et des réseaux internationaux » a lancé en 2015 dans le réseau universitaire de l’AUF, une école doctorale en science de l’éducation à l’Université de Cergy-Pontoise en France, Option : Technologies de l’éducation, pour donner l’opportunité aux étudiants méritants d’obtenir des bourses pour une inscription en thèse. C’est fort des bons résultats des premiers compatriote, sorties de cette école doctorale, que le Cameroun peut s’estimer fier d’avoir une ressource humaine de qualité, capable d’accompagner cette revanche du e-learning qui s’impose pour venir à bout de la très lourde conséquence qu’aurait entrainé la pandémie du COVID-19 sur l’année académique, scolaire et de la formation professionnelle sur son territoire.  

 

Biliographie :

Biya, P. (2020, 03 17). la stratégie gouvernementale de riposte face à la pandémie de coronavirus (COVID-19). Yaoundé, Centre, Cameroun.

Karsenti, T. (2014, Février 16). Modèle ASPID du processus d’intégration des technologies en éducation. Récupéré sur https://www.scoop.it/t/tic-by-ticeduforum

Karsenti, T., & Collin, S. (2013). Avantages et défis inhérents à l’usage des ordinateurs portables au primaire et au secondaire. Education et francophonie, 99.

Taptue, P. C. (2018, 10 04). La scolarisation avec le mini ordinateur XO face au défi de l’efficacité de la supervision pédagogique: Cas du projet PAQUEB au Cameroun. Cergy Pontoise, France: Université de Cergy Pontoise.

Taptue, P. C. (2020, 4 30). Economie numérique et le numérique en éducation, quoi prioriser pour les pays en développement : Cas du Cameroun. Montréal: en cours.

Pierre-Célestin Taptue

Chercheur à OOCISCA et Program Director à The Muntu Institute. Enseignant associé à l'ESSTIC (Université de Yaoundé II-Soa)

Commentaires : 5

  1. Très belle analyse. Bien pertinente.
    Je suis également de ceux qui pensent que le COVID-19, malgré l’impréparation du Cameroun et de la majorité des états africains, est une opportunité pour renforcer les infrastructures de formation à distance. Je développe cela dans cet article: https://lafropolitain.mondoblog.org/2020/04/01/le-corona-virus-rappelle-limportance-de-bien-financer-la-recherche-scientifique-et-linnovation/

    • Yolande dit :

      Belle analyse. Mais il aurait peut être fallu embrayer sur les enjeux notamment en termes d’impact sur l’employabilité des enseignants, la couverture au niveau des zones rurales et des personnes vulnérables, même en zone urbaine, mais également sur les capacités d’accomodation à une telle démarche par les membres de la communauté éducative, en particulier les enfants. Peut être est-ce l’analyse préalable que vous suggérez qui en tiendra compte?! Et selon vous, en l’etat actuel des choses, les deux modèles (présentiel et à distance) peuvent ils s’appliquer simultanément dans le primaire et au secondaire notamment ?

    • Pierre Celectin TAPTUE dit :

      Bonjour,
      Après une lecture attentive de votre article, je vais simplement dire que deux choses évidentes sont à noter au sujet de l’importance accordée à la recherche scientifiques :
      1 – les contraintes financières;
      2 – les limites épistémologiques;
      Soit l’on se cache derrière la première pour occulter le fait que c’est la seconde qui nous tient, soit ont est à l’abri de la secondes et que effectivement la première empêche au chercheur de se déployer véritablement.
      Il est véritablement question de saisir l’opportunité covid-19 pour foncer dans le numérique éducatif dans nos pays africain aujourd’hui ou jamais.

  2. Vidal Aloyem dit :

    J’ai lu avec grande satisfaction cette réflexion de l’auteur. Toutefois j’aimerai faire deux modestes contributions pour son amélioration. Le développement des compétences professionnelles des enseignants par une transposition didactique, une transformation des cours déjà préparés pour le présentiel en cours à distance sonnent chez moi comme un raccourcit. Je m’explique: La réussite d’une session de formation en ligne exige un certain professionnalisme basé sur la formulation des objectifs de la formation, le type de public cible, la séquenciation des activités pédagogiques et surtout des méthodes d’évaluation de la formation(L’auteur en a fait mention). Aussi combien d’enseignants et formateurs Camerounais enseignent ou forment avec un guide pédagogique, un plan de la leçon à soumettre aux élèves ou aux apprenants avant le début du cours et finalement un ppt? Donc pour moi, du moment ou tout le monde semble maintenant prendre conscience de l’importance du e-learning, la prochaine étape sera celle de former tous les intervenants de la chaine à utiliser ce format de travail. Une autre problématique sur laquelle il faudra ensuite travailler est celle des chances de réussite de ce mode d’enseignement dans un environnement comme le notre ou nous accusons un retard dans l’accès à l’électricité et Internet. On pourra discuter d’autres aspects plutard. Sinon une fois de plus chapeau de mettre sur la place publique de tels débats avec une analyse aussi froide avec des orientations aussi claires pour la communauté éducative

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