The Muntu Institute - Immeuble Hajal Center, 4th Floor, Door 406
+237 651 731 707
contact@covid-19-cameroon.org

Le Covid-19 dans la presse : trafics, mensonges et dons

Le Covid-19 dans la presse : trafics, mensonges et dons

Le Covid-19, on continue d’en parler dans les médias malgré les cris de détresse de la presse privée et la sourde oreille du Ministère de la Communication. On a remarqué que certaines unes de journaux écrits ne plaçaient plus le Covid-19 en grande une, cependant, le sujet est soit en pied de une, soit en pages intérieures. Les médias privés continuent d’effectuer leur travail d’information sur cette pandémie. Ainsi, autour du Covid-19 cette semaine, on peut relever les différents dons annoncés dans les unes : don spécial du chef de l’Etat, don de monsieur Amougou Belinga, le coup de pouce du Fmi… Mais aussi ces dépouilles qui ne demandent qu’à être mises sous terre, ces patients qui sont arnaqués et ces nombreux chercheurs qui espèrent, eux aussi, le don d’un bienfaiteur pour contribuer à la lutte contre le Covid-19.

Trafics, rackets… et pénitence des dépouilles

La pandémie du Covid-19 est l’occasion rêvée pour certains de se faire de l’argent illicitement. Le journal Repères du 8 mai 2020 nous relate comment les patients sont arnaqués dans les hôpitaux et « la prise en charge nourrit trafics et rackets ». Le proche d’un patient décédé raconte : « … quand on a voulu retirer le corps, l’hôpital nous a demandé d’attendre. Ce n’est que jeudi soir qu’on nous apprend qu’il est mort de coronavirus. Et là, on exige 200 000 que ses frères ont payé. » Pourtant, dans une correspondance rendue publique le 16 avril, le Ministre de la Santé publique, le Dr Manaouda Malachie, avait dénoncé des « manœuvres peu recommandées dans la gestion de la pandémie du Covid-19 notamment en matière de diagnostic et de prise en charge. » Visiblement, ces manœuvres perdurent. Plusieurs médias s’en sont fait l’écho ces dernières semaines. Canal 2 international avait également diffusé les cris de détresse du père d’un adolescent atteint de Covid-19 et dont les moyens financiers ne permettaient pas d’assurer une bonne prise en charge. L’adolescent a rendu l’âme quelques jours après les confidences de son parent. D’autres témoignages font le tour des réseaux sociaux et sont relayés par les médias traditionnels faisant état des patients non testés mais confirmés, après décès, atteints de la pandémie du Covid-19. Une situation qui provoque la colère des membres des familles et est souvent à l’origine des bagarres opposant les familles des défunts et le personnel soignant dans les hôpitaux.  

Cet état de choses crée un autre problème : celui du nombre réel de personnes atteintes et de décès. Le quotidien Mutations explique dans son édition du 6 mai que des dépouilles de défunts des suites de Covid-19 sont en souffrance dans les hôpitaux de la région du Littoral. Le journal se base sur une correspondance du Délégué régional des Forêts et de la Faune du Littoral qui demande à une entreprise de la place de lui fournir des planches en vue de procéder à l’inhumation des centaines de corps en souffrance pour cause de Covid-19. La correspondance précise que : « Dans ce contexte et comptant sur votre solidarité et votre sens élevé du devoir, j’ai l’honneur de solliciter votre structure citoyenne afin de pouvoir mettre à la disposition de la Délégation régionale des Forêts et de la Faune du Littoral des planches nécessaires à la fabrication de 100 cercueils destinés à l’enterrement digne des dépouilles abandonnées victimes du COVID-19 ». Cette requête qui répercute celle du gouverneur de la région du Littoral, Dieudonné Ivaha Diboua, en date du 24 avril, pose non seulement le problème du manque de cercueils, mais aussi, celui plus important du nombre de décès des suites de cette pandémie au Cameroun. De fait, le journal Mutations nous rappelle que le bilan officiel dressé par le Ministère de la Santé publique le 4 mai 2020 affichait 64 personnes décédées du Covid-19, pourtant la correspondance annonce une centaine de corps en souffrance. D’ailleurs, le Quotidien Emergence du 5 mai pense qu’il y a tricherie sur le nombre de décès des suites de Covid-19 au Cameroun. Il titre à sa une : « Covid-19 : Mensonge d’État sur le nombre de morts ». Le journal pense savoir que ces « données contradictoires débouchent sur une guerre des chiffres. » D’autre part, le journal Mutations se questionne sur la conservation des dépouilles réputées si dangereuses alors qu’elles sont sensées être enterrées au plus tard 12 heures après le décès pour éviter toute manipulation et limiter les cas de contamination. Par ailleurs, jusqu’ici, les familles des défunts n’ont pas accès au corps de leur défunt explique le journaliste de Mutations

D’espoirs et… de dons

L’hécatombe annoncée n’est toujours pas arrivée en Afrique. Pour l’instant… En attendant, les médecins traditionnels et autres naturopathes continuent leurs recherches. Mgr Samuel Kleda, Archevêque métropolitain de Douala a annoncé il y a quelques semaines qu’il proposait un traitement à base de plantes aux personnes présentant les symptômes du Covid-19 et qu’il avait obtenu de nombreuses guérisons. Depuis lors, de nombreuses rumeurs et des fake news ont circulé au sujet de la déclaration du prélat. Face à cet imbroglio, l’hebdomadaire Repères a tenu à rassurer que « Le gouvernement encadre la thérapie Kleda ». Le journal raconte la séance de travail de l’archevêque de Douala et des responsables du Ministère de la santé publique. Cette initiative de Mgr Kleda est également soutenue par des bienfaiteurs comme l’annonce l’hebdomadaire L’Indépendant dans sa livraison du 6 mai 2020. Le journal indique que la veille (05 mai) Jean Pierre Amougou Belinga, Pdg du groupe L’Anecdote a remis la somme de 50 millions à « l’Archevêque métropolitain de Douala qui propose une panacée à base de plantes naturelles contre le coronavirus. » Le journal InfoMatin indique à sa une : « Covid-19 : 50 millions cash à Mgr Kléda ». Il en a profité pour faire l’éloge du bienfaiteur : «  Homme de parole, il l’a promis, il l’a fait. Sa Majesté Jean Pierre Amougou Belinga, qu’on ne présente plus, a donc fait parvenir, hier, un appui financier conséquent au dynamique pasteur et phytothérapeute reconnu, en vue de la production en grande échelle de son remède, à base de plantes naturelles, contre la terrible pandémie. »

Un autre don qui a fait la une des journaux écrits cette semaine est bien celui du Chef de l’État sur lequel sont revenus quelques titres. Notamment Perspectives d’Afrique qui déclare que le chef de l’État a fait un don spécial en kits tests de dépistage rapide. Le journal précise que « Le Chef de l’État, Paul Biya qui veille régulièrement au mieux-être de ses populations, a, toujours dans le cadre de la lutte contre le coronavirus en terre camerounaise fait un important don spécial en kits tests de dépistage rapide au ministère de la Santé publique. » Le Quotidien quant à lui dit que le président de la République par ce don « booste le dépistage par un don spécial de kits tests remis au Ministre de la santé. » (Le Quotidien du 5 mai 2020, Une)

Le dernier don dont il faut parler ici est bien celui du Fonds monétaire international (FMI). Le quotidien Mutations annonce que « l’institution vient d’approuver un prêt d’environ 136 milliards Fcfa pour répondre aux besoins de la balance de paiement résultant de cette pandémie. ». Pour Mutations, il s’agit d’un coup de pouce pour le Cameroun. Au sujet de cet appui du FMI, Cameroon Tribune précise qu’il constitue un « renfort contre le Covid-19 », de plus le journal indique que « le Ministre des Finances, Louis Paul Motaze, a révélé que les 135 milliards mis à la disposition du Cameroun serviront exclusivement à financer les besoins du Ministère de la santé publique dans la lutte contre la pandémie. » L’œil du Sahel  du 8 mai quant à lui tente d’expliquer « Ce que gagne le FMI dans ce prêt ». Alors que le journal Dikalo tri-hebdo annonce également que « Le FMI va débloquer 135 milliards FCFA pour aider le Cameroun… » Tandis que l’hebdomadaire Diapason tente d’expliquer « A quoi serviront les 135 milliards »

Dorothée B. Ndoumbe

Béatrice Dorothée Ndoumbe enseigne les Sciences et techniques de l'information et de la communication à l'Université de Yaoundé II-Soa (ESSTIC). Elle est également Senior Researcher à The Muntu Institute [African Humanities and Social Sciences]

Aucun commentaire

Ajoutez votre commentaire