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Vivre et penser avec des masques

Vivre et penser avec des masques

Exercices de « vivantité » par temps de Covid-19

 Les libellules ne se nourrissent que de proies vivantes qu’elles capturent grâce à un organe unique parmi les Insectes, appelé « le masque » (Zool.,t. 2, 1963, p. 626 [Encyclop. de la Pléiade])

 

Étrange période que la nôtre où l’ethos des sociétés de la surabondance et de l’excès est structuré par une Loi qui ne s’énonce plus en interdits mais en actes individuels d’assomption négative du désir, voire au delà, de la nécessité : fumer tue, le sexe tue (sida), manger tue (malbouffe), maintenant même respirer tue.

 Et la seule réponse apportée à ce dernier meurtre est de donner aux citoyens le soin d’assumer leur propre exil chez eux ou mettre de la distanciation sociale parmi des êtres qui n’avaient déjà plus pour unique lien social que leur atomisation en qualité d’individus consommants. Confinement est le nom donné à cet exil. Et ce qui ne semblait réservé qu’à l’élevage du bétail en batterie vient se rappeler comme une composante de l’ordre disciplinaire des sociétés de contrôle[1]. Produire une réclusion d’autant plus pesante qu’elle renvoie à une société bloquée dans l’ordre de ses propres désirs, c’est se placer sous le signe insistant de la mort à laquelle on cherche à échapper. Car ce qui sourd de ce confinement, ce n’est pas tant la santé des personnes que le profit.

Une existence Covid de sens

Du néolibéralisme, l’on ne souligne jamais assez les deux caractéristiques pulsionnelles principales qui éclairent sa dynamique et ses dérives actuelles. La première est l’hypercondrie, émanation d’un narcissisme économique qui repose sur une pensée unique dont l’exploitation illimitée des ressources de la terre constitue le dogme principal. La seconde est la compulsion du profit à tout prix basée sur la rentabilité actionnariale immédiate dans le monde darwinien qu’il a généré et où « la lutte de tous contre tous, à tous les niveaux de la hiérarchie […] trouve les ressorts de l’adhésion à la tâche et à l’entreprise dans l’insécurité, la souffrance et le stress… »[2]. Un responsable syndical allemand le résume bien à travers le mot d’ordre managérial de la DRH d’IBM : « Faites ce que vous voulez, mais faites du profit ! »[3]. Le tout, placé sous le sceau de la foi en la liberté. Or, vivre dans une société hypercondriaque du profit à tout prix c’est se trouver justement en butte avec cette croyance. Non parce que comme toute croyance, celle-ci serait difficile à pratiquer mais bien parce que sous le despotisme du « profit à tout prix », la liberté devient le ferment de la mithridatisation d’une société, appelée aux urnes de sa propre déraison comme elle est pressée de s’habituer au poison qui lentement la consume.

Gilets jaunes, lanceurs d’alerte, militants de terrain, aucune mobilisation, fût-elle d’envergure, n’a été suffisante à faire entendre raison. Fallait-il à cette vie qui se consume un langage unicellulaire, viral, basique pour ainsi dire, pour en assurer la communication ? Étonnante situation que celle-ci : il aura donc fallu la forme la plus microcospique, la plus confidentielle de la vie, un virus, pour exprimer ce que la communauté humaine ne cesse de dénoncer, au point de faire du Covid 19 l’expression intime de cette matière commune à tous les vivants que l’action humaine ne cesse de mettre à mal.

C’est l’occasion d’interroger la place de ces micro-organismes (SRAS 1, Covid-19 …) qui, par la célérité de leur apparition et de leur diffusion, jouissent de l’ambiguïté d’être à la fois le manifeste de la puissance de la globalisation et son produit dérivé. Alors même que l’action humaine fait disparaître de plus en plus d’espèces de la surface de la terre, celle-ci se trouve confrontée à sa propre démesure, sa capacité de faire advenir au monde des micro-organismes jusqu’ici inconnus, éléments du vivant qui n’existaient pas encore ou du moins sous cette forme. Que ceux-ci se manifestent sous la forme de vie la plus microscopique, nous voilà confrontés à l’aporie de leur présence : absente à notre vue, mais bien réelle par leurs manifestations de nocivité et l’exponentiation de leur diffusion à l’échelle d’un monde réduit aux acquêts d’un village planétaire. Dans la singularité de ses manifestations, la puissance du Covid 19 se déploie dans cet espace villageois usurpé, clos et excédentaire à la fois, rendu effectif par la globalisation néolibérale.

Renouvelant ainsi les rapports de notre conscience au monde tel que nous le vivons, le Covid-19 vient cristalliser une plainte sociale globale dont la cause se trouve ailleurs que dans sa virulence : dans la finitude d’un système productiviste qui se refuse à mourir. Cette épidémie dévastatrice est bien la réalité biologique des politiques sociales d’un modèle économique dont le solde a été la destruction méthodique de l’hôpital et de l’ensemble des services publics dans le monde industrialisé et dans l’interminable prolongement des politiques d’ajustement structurel dans les pays en développement. Ce virus tue d’autant que l’hôpital a été sommé de se transformer en entreprise. Mais un mal n’en absout pas un autre ; tous deux, Covid-19 et néolibéralisme, ne survivent que de la vie vivifiante qu’ils extraient du monde.

Effraction d’un double invisible

On nous assure que les choses ne seront plus les mêmes. Que tout changera du tout au tout. Si aucun retour à l’ordre n’est envisageable sur les rivages d’avant le Covid 19, c’est tout simplement parce que les affinités avec le lieu d’exil (le confinement) auront révélé le sortilège embusqué de la solitude, cette place laissée béante par la mise à distance de l’autre jusque dans la mort[4] et que le grand Autre étatique reprend à son compte et cherche à occuper. Ce grand Autre qui a retrouvé ses accents martiaux. Nous sommes en guerre annonce-t-il. Contre la pandémie faisons front. À rétrovirus, rétropédalage oblige : appel aux Scientifiques pour organiser le front, ceux-là mêmes qui ne se sont jamais faits entendre sur l’écœurement écosystémique de la planète. Voilà le personnel de santé inscrit sur la liste des médailles du dévouement national, ce même personnel qui, grèves à l’appui depuis un an, n’a pas réussi à se faire entendre sur « la casse du siècle »[5].

Prenons leçon sur la Libye, l’Afghanistan ou bien l’Irak… Le « tout-profit » ne nous entraîne jamais en guerre que contre les maux qu’il a lui-même soigneusement cultivés. Et les leçons de son retournement sont légions.Tirailleurs sénégalais décimés dans le camp de Thiaroye ou harkis récompensés de la lâcheté du maître ; les anciens colonisés, pour être passés de la chair à canon à la chair à consensus, selon l’expression de Gilles Châtelet[6], ont gardé le douloureux souvenir de ce qu’il en coûte de trop se fier à la parole du maître.

À côté de l’image survalorisée qu’il se donne de lui-même, le mépris de l’autre et l’inhumanité qui l’accompagne sont essentiels pour comprendre les ressorts de la béatitude hypercondriaque du néolibéralisme. Fort de l’effondrement du bloc soviétique, il a érigé l’instantané de cette victoire en pérennité d’un modèle surinvesti désormais, de manière arrogante et totalement anhistorique, d’une jouissance euphorique. D’où cette perte totale de la réalité concernant les points névralgiques de son propre système. Même les désapprobations à l’intérieur de son camp et dissidences sociales qui ont émaillé cette évolution lui sont apparues étrangères et hostiles. Sa position de système-maître unique lui confère l’absurde mais impérieuse certitude d’une toute-puissance en croissance continue qu’aucune mise en garde ne viendra altérer, pas même les appels lancés à l’intelligence de prendre en compte une certaine marge d’imprévu. Aucun échec donc à l’horizon de cette croyance. Et si quelque infortune vient à voiler cet horizon, celle-ci sera vite balayée pour ne pas abjurer ce que la marche inexorable du monde ne cesse de confirmer : la faculté permanente du miracle néolibéral. Car au dessus de la vie, de l’humain ou de la planète, il y a une déité que l’hypercondrie néolibérale révère, la Bourse, dont les cours aléatoires sont le symptôme de l’émancipation allouée au monde, faisant du profit à tout prix l’échappatoire à ses propres turpitudes.

Car, lorsque la réalité de la souffrance requiert une légitimité à l’aune de son propre déni, celle-ci devient réelle dans l’imagination du pouvoir. Jamais dans son imaginaire du reste. Parce que « la politique n’a pas cessé d’être une manipulation qui se dénonce elle-même, puisqu’elle reste la poursuite par des couches particulières de leurs fins particulières sous le masque de l’intérêt général et par l’utilisation d’un instrument de nature universelle, l’État »[7], le pouvoir politique cherche déjà à pénétrer, des lubies de son imagination, le monde de notre expérience pour le reconfigurer de l’intérieur par un travail d’anesthésie de nos réflexes de colère en accentuant ceux de la compassion dirigée afin que nous ne soyons à même d’interroger les causalités de ce qui nous arrive autrement que par le biais de sa doctrine. Cette imagination qui reconfigure mimétiquement aux valeurs qui nous oppriment est du domaine de la vie mutilée, alors que l’imaginaire de la société est au contraire « un investissement initial du monde et de soi-même par la société avec un sens qui n’est pas dicté par les facteurs réels puisque c’est plutôt lui qui confère à ces facteurs réels telle importance et telle place dans l’univers que se constitue la société »[8].

Nous sommes en guerre ? S’il y a guerre, celle-ci se joue paradoxalement entre deux invisibles, un invisible qui touche les soignants (invisibilité sociale) et un autre qui relève de l’objet de leurs soins (invisibilité du virus). Tous les deux ramènent à ces questionnements politiques essentiels : Comment approcher ces corps invisibles, médical et viral, dans leur invisibilité même[9] ? Comment redonner une visibilité à cette catégorie sociale essentielle (le personnel soignant) hors du champ de la rentabilité pure, étant donné que le monde médical est le double visible d’un monde qui se refuse à le voir, peut-être à cause de son excès de visibilité sur le terrain de notre santé, et de sa tonitruante présence sur celui des luttes revendicatives.

L’invisible se pose en défi sanitaire autant que politique qui éclaire d’un seul coup des professions hier encore sans visage, du fait de leur trop grande présence tels les aides-soignant(e)s ou les éboueurs[10]. D’où l’exercice qui consiste à rassembler ces corps, social et biologique, qui ne se prêtaient pas directement au visible dans un vaste questionnement épistémologique et politique. Cet exercice est rendu possible dans un monde monadique[11] unifié par le néolibéralisme dans un espace lisse au sens deleuzien du terme, qui n’a plus ni centre, ni figures, mais des perspectives nomades de lignes de fuite qui permettent de faire l’expérience du sensible comme force motrice du vivant, parce que la raison du sensible est l’intensité, en tant qu’elle autorise la mise en relation des hétérogènes[12]. La pandémie n’est ici qu’un apprêt, la disposition d’une temporalité permettant, le temps de la crise, de visualiser sur l’écran des enjeux politiques la possibilité d’un rapport renouvelé entre le système des croyances néolibérales et la réalité sociale, constitutive du champ des luttes à venir.

Vivre et avancer masqués

Mais déjà nous avançons masqués. Après le confinement et la distanciation sociale, voici venu le temps du masque comme troisième composante du triangle de fortification censé nous protéger. Puisque nous sommes en guerre et éventuellement porteurs d’une identité virale dont il faut se prémunir pour préserver les autres, obligation nous est faite de dissimuler notre véritable identité par crainte de l’ennemi. Cependant, contre un ennemi dont ne sait rien, le masque n’est rien moins que l’identité d’une société dont il faut cacher le désarroi et les doutes face à une assurance désormais ébranlée et dans laquelle « les dix mille et une expressions du visage prises à l’état de masques, pourront être étiquetées et cataloguées, en vue de participer directement et symboliquement à ce langage concret de la scène »[13]. Une scène où rode dorénavant le spectre de la mort et où le le mot « masque », renvoie directement à sa signification du latin tardif « masca », dont l’une des acceptions est aussi sorcière, « spectre ou démon » donc maléfice. Sous ses traits de voile protecteur, voilà que le masque vient trahir l’intimité des individus que la « société du tout profit » cherche à camoufler comme elle cherche à se préserver de l’angoisse de la mort qui guette.

Souvenons-nous ! Dans la guerre du voile qui a opposé, il n’y a pas si longtemps, les tenants de la laïcité aux gardiens d’une foi faisant de la burqa l’expression de l’identité de la femme en Islam autant que le symbole d’une pureté au service de sa protection contre la violence du désir masculin, couvrir son visage dans l’espace public était interdit au nom de la liberté des femmes. Depuis peu cet argument s’est inversé. Dans le cadre homologué de l’assignation à la « pureté » hygiénique, la société a été appelée à recourir au masque et les individus sommés de ne pas se découvrir en public pour se préserver de la violence du virus.

Version répulsive des temps identitaires du Covid 19, le masque participe autrement de la conjuration des peurs primaires de la contagion et apparaît comme un symbole de la contention des corps soumis aux vertus, non de l’asepsie mais de l’hygiène publique qui a toujours transformé le droit à la santé pour chacun en devoir de santé imposé par l’État[14] où la santé devient espace de gouvernementalité, avatar des bio-pouvoirs dénoncés par Michel Foucault. Dans ce contexte, le masque n’en atteint pas moins un paradoxe. Pour conjurer la peur que suppose la rencontre avec l’autre, le visage (bouche, nez, yeux), régime d’une subjectivité bercée à l’illusion de l’éternelle jeunesse dans les sociétés occidentales, est tenu de se dissimuler, devenant par la même occasion l’objet à cacher et à protéger par une exacerbation de la prophylaxie : se laver très souvent les mains, garder une distance d’au moins un mètre, voire deux.

Curieusement, c’est cette mise à distance des uns d’avec les autres et des individus avec eux-mêmes qui fait trace au sens de Lévinas. Trace d’un invisible reliant au visage de l’autre qui « s’impose à moi sans que je puisse rester sourd à son appel, ni l’oublier, je veux dire sans que je puisse cesser d’être responsable de sa misère »[15]. Coronavirus corona spinarum est[16]: en ces temps pascaux, l’analogie entre le virus et une certaine couronne d’épines ne semble pas dénuée de sens surtout lorsque la meurtrissure que l’on devine derrière ces visages cachés acquiert une puissance d’attrait démultipliée par la violence de la contagion. Elle n’en est que plus transgressive d’un ordre individualiste qui avait fait du don un reliquat des sociétés archaïques.

 « Ce qui, de nos jours, rend les choses confuses et difficiles à analyser, c’est que, dans les sociétés modernes, le champ de l’économie rationnelle tend à recouvrir toute forme d’activité et d’échange, au point que toute réciprocité de biens et de services ne répondant pas aux critères du marché est supposée archaïque ou, pire irrationnelle »[17]. Pourtant, depuis Marcel Mauss, les anthropologues savent que loin d’être un archaïsme, le don est un concept ouvert, permanent, symbolique et social dont la pratique ne relève pas d’une quelconque charité, même s’il en porte la marque, mais d’un geste qui engage le tout de la société dans une alternative aux relations strictement marchandes. La réciprocité du devoir de donner et de restituer dépasse de loin les échanges marchands et explique jusqu’au sacrifice. Ainsi dans ces sociétés occidentales modelées par l’économie marchande et sevrées aux vertus financières du profit à tout prix, ce ne sont pas les actionnaires des banques sauvées de la banqueroute de 2008 par l’épargne populaire et l’interventionnisme de l’État qui viennent au chevet des nations en détresse, mais de petites mains anonymes qui cousent des masques, applaudissent chaque soir aux balcons ; ce sont des anonymes qui s’impliquent dans l’engagement auprès des personnes âgées des EHPAD, du personnel médical pour pallier aux carences de l’État. Preuve que lorsque que des êtres libres et ouvertement singuliers sont appelés à vivre ensemble pour faire société, ce ne sont pas les échanges marchands qui structurent leur lien social, mais le don et l’ouverture oblative à l’autre. « Sans ce lien social, sans cette relation fondatrice, sans cette reconnaissance mutuelle et personnelle où chacun risque quelque chose de soi dans l’espace de l’autre, il n’y a tout simplement pas de communauté possible »[18]. Parce qu’au delà du monétaire et du contrat qu’il exige, il y a l’autre, donner, c’est reconnaître l’autre à travers le bien offert, l’inviter à dialoguer et partager cette part d’humanité qui assure la continuité du monde humain.

Une guerre ? Non, un supplice et un conflit… d’intérêts. Le supplice d’une société victime d’une civilisation qui n’a rien cédé sur ses écarts, d’une civilisation qui n’a pas cessé de jouir du temps de vie qu’elle a volé au temps ordonné de la planète. Un conflit d’intérêts entre la vie mutilée et la vivantité.

La vie mutilée est la mésaventure de l’existence moderne que le philosophe de l’École de Francfort, Theodor Adorno, analyse fort bien dans Minima moralia[19]. Une vie qui a perdu son autonomie et sa substance, « aliénée » au plus intime d’elle-même, pour avoir été entièrement soumise aux lois de la société marchande. Au point de devenir sa propre caricature dans la tension de l’exaltation qu’on lui propose d’une jouissance permanente, imaginaire qui, pour mieux compenser les failles narcissiques des individus, les condamnent à leur servitude volontaire. Mais qu’en est-il de la vivantité ?

Devenir et demeurer vivant, à tout prix

Pour essayer de rendre compte de la « vivantité », prenons pour point de départ l’exemple suivant.

Il y a quelques années, une organisation internationale de défense des droits de l’enfance avait diffusé une grande affiche représentant un enfant africain à qui était posée la question suivante : « Que veux-tu être quand tu seras grand ? Vivant » répondait l’enfant.

Vivant, la réponse était sans appel, portée en gras et grand sur l’affiche. Mais être en vie n’est-ce pas déjà être vivant ? Paradoxale réponse que le concept biologique du vivant qui désigne ce qui vit, c’est-à-dire, respire, se nourrit, produit des déchets et se reproduit semble contredire. Paradoxe en apparence seulement, car la réponse préavise sur la vie et nous invite à penser le vivant non comme un état mais un devenir. Toutefois, comment devenir vivant quand l’horizon même de la vie se décline en pandémies, en guerres civiles, en insécurité permanente sur la vie même ou que celle-ci n’est vécue autrement que sous sa forme la plus végétative ? Preuve que ce n’est pas la quantité des jours passés sur terre qui fait un vivant mais la qualité de ce temps qui impose le devenir comme une réflexion dirigée contre la réalité d’une existence à l’horizon de laquelle se dresse toujours le spectre de la mort.

Être vivant, est-ce pour autant être Un vivant[20] ? À la question de savoir ce qui fait un Homme, les Bantous répondent souvent que « ce qui fait d’un homme un humain, c’est son humanité »[21], une première réponse qui, étendue au vivant, signifierait que ce qui fait qu’un vivant est Un vivant serait sa vivantité. La vivantité à ce niveau est un mode spécial d’être dans la vie, la manière d’être des vivants qui acquièrent une dimension comportementale éclairée par une idéalité vers laquelle tendrait le vivant. Pour en prendre la pleine mesure et comprendre le vivant comme un devenir, il faut savoir marquer la différence entre la vie et la vivantité. Non par une différenciation quelconque, mais à travers cette différence existentielle entre la vie telle qu’elle nous la recevons et l’héritons dans un cadre familial, social ou national déterminé, et la vie comme conquête du vivant lui-même. La vivantité se présente alors comme l’essence de la vie de l’humain portée à l’universel au sein d’une structure commune, idéale, à laquelle participent les hommes individuels.

De la sorte, la vivantité permet de distinguer la vie comme expérience phénoménologique vécue par tout humain en contact avec le monde dans lequel il est immergé, du vivant comme présence au monde. Cette distinction éclaire la vivantité comme vérité du vivant qui le fonde et permet cette présence. En effet, s’il y a de la vie dans tout vivant, la vivantité n’est pas un simple fait de vie, ni même une existence du vivant. Elle ne relève pas d’un principe vital quelconque mais d’une Présence à soi comme principe de vie. Ce n’est pas que la vivantité soit séparée du vivant. Bien au contraire. La vivantité et le vivant sont en mutuelle dépendance. Notamment lorsque la vie est saisie en elle-même et pour elle-même, à travers le comportement d’un humain, responsable à l’égard des vivants autres que lui et lorsque cet humain fusionne dans sa pratique de vérité, le pouvoir de manifestation à soi de la vie et une responsabilité par rapport à cette vie.

La vivantité ne désigne donc pas ce qui est vivant, même sous sa forme la plus viable au sens de Canguilhem mais ce qui opère la distinction entre le vécu réel dans le monde où l’on est immergé depuis la naissance et la réalité de ce vécu dont le sens est à chercher à l’horizon de la mort comme ligne de fuite[22]. La vivantité trace cette ligne de fuite et permet sa réalisation. Car elle permet non pas « un être au monde » mais un devenir au monde ; elle forge l’identité d’un être dans son implication profonde dans la vie, au-delà même de l’existence. Contre l’état des choses.

À cet effet, l’on peut être amené à mettre sur le même plan, vivantité et résilience. Tant s’en faut la résilience a besoin d’un événement traumatique spécifique à surmonter durablement, là où la vivantité organise la vie sur les balustres de la mort. Mais si la vie et la mort sont inséparables, leur consubstantialité ne peut donc être dépassée que par l’idée de devenir. À condition que le vivant, pour son propre compte, s’abandonne dans la mort selon la formulation de l’Évangile : « si le grain de blé qui est tombé en terre ne meurt, il reste seul, mais s’il meurt, il porte beaucoup de fruit ». Jean 12, 24.

L’interrogation sur la mort, lorsqu’elle est menée en direction du vivant et de son vécu est toujours tenaillée par l’angoisse. Mais l’angoisse qui expose le vivant à la mort cesse d’être un péril lorsque la vie est placée à équidistance entre l’insupportable d’un vécu et le souhaitable d’une non-vie. Et même si mourir n’est pas une occurrence quelconque, le pouvoir répulsif de la mort s’atténue ou disparaît dans cette totalité du vivant en dérive qui épouse l’étrangeté de l’absolument-autre du vivant.

La vivantité est cette manifestation du vivant rendue possible par sa confrontation avec la mort dans l’angoisse qui le révèle à lui-même. La mort ne se présente plus comme la face antithétique du vivant, mais comme l’agencement de la vie elle-même. D’un côté, le vivant vit de ce que la mort meurt en lui, dans chaque cellule, dans chaque organe ; de l’autre, la « mort qui meurt en lui » cesse d’être le vis-à-vis indéterminé de la vie, mais la part intrépide de cette vie comme faculté du devoir vivre. Car la mort, en manifestant le vivant comme ce qui risque la disparition, le fait advenir comme ce qu’il est, dans toute sa plénitude. Mourir devient synonyme de la vie quand vivre signifie faire front à la mort. Ce « faire front » est d’une certaine manière ce qui fonde le vivre du vivant, et permet à la mort de « prendre part » à la vie et d’apparaître même comme son moteur.

Dans certaines sociétés matrilinéaires du Bassin du Congo, vivant se traduit par le terme moyo qui signifie aussi ventre ou lignage. Comme ventre, moyo permet de différencier le ventre anatomique (vumu) du lignage. Le vivant, moyo, s’insère dans une dialectique qui le positionne ainsi au cœur d’une temporalité comprise entre l’entrée dans la vie au moment de la naissance, c’est-à-dire de la sortie du ventre (vumu) de sa mère et l’entrée dans l’espace de la parole au sein du lignage, moyo. C’est à ce moment précis que l’individu peut alors habiter sa propre vie au sein du moyo comme espace partagé de vie. Le véritable espace de vie est celui ouvert par la parole ; une parole vivante qui a le tranchant de la vie à double face dont la première face est une mise à distance entre soi et soi-même et la seconde, une ouverture du chemin qui mène à l’autre. La lucidité engagée dans cette mise à distance de soi avec soi-même n’est réellement pensable que dans le cheminement vers l’autre du fait que la parole n’est pas qu’un assemblage de mots, mais bien une mise en présence de soi dans le miroir des autres. Elle alimente, dans le creuset du ventre, la dialectique du rapport à l’autre et au monde (des vivants et des morts) qui préserve du vide interne et délivre de l’emprise des angoisses archaïques. La privation de la parole est privation de cet accès à l’autre. C’est là que se mesure la forme la plus douloureuse de la misère aux confins d’un monde qui se refuse même à la vie et que l’on observe dans les États postcoloniaux.

Depuis que l’État a succédé en postcolonie aux sociétés lignagères où au Ventre/lignage (Moyo) qui portait et structurait le vivant (Moyo/bomoyi ), l’état des choses se confond désormais avec le pouvoir public. Le vivant y apprend à vivre entre les maux qui savent néanmoins le faire vivre pour avoir été eux-mêmes forcés par la puissance de ce Vivant réel et mortifère qu’est le pouvoir d’État. Celui-ci ne vivant que par les maux qu’il inflige, il a fallu apprendre à vivre au delà de lui, sur-vivre à sa vie en somme. Dans son roman La vie et demie, Sony Labou Tansi, de son écriture polyphonique d’une exceptionnelle inventivité langagière, sans complaisance et sans tabous, nous décrit la vie dans ces dictatures ubuesques postcoloniales où le vivre n’est possible que dans un surplus de vie, une vie et demie, en somme. À l’instar de Martial, chef de l’opposition que le « guide providentiel » décide de tuer de sa propre main sans jamais y parvenir. Découpé en morceaux, exécuté au pistolet, écrabouillé dans tous les sens, Martial qui, selon les mots de Sony «  ne veut pas mourir cette mort », continue de tourmenter le sommeil du Guide et celui de ses épigones.

La rupture entre les États postcoloniaux et leurs sociétés de culture orale ne tient pas à l’absence d’élections ou à une quelconque mal-gouvernance mais à la fermeture délibérée de l’espace de parole. Dans leur incapacité à produire un espace de parole, ceux-ci se condamnent à donner à chacun la possibilité de se projeter dans un autre espace de vie où la parole est admissible. Les jeunes qui meurent en Méditerranée chaque jour sur des bateaux de fortune ne fuient pas seulement la faim ou le dénuement mais la vie empêchée de vivre, celle qui leur barre l’accès, non pas tant aux choses mais à la possibilité d’être tout simplement vécue. Dans la parole. Tout comme Martial dans La vie et demie, celui qui prend place sur une embarcation de fortune en Méditerranée ne risque pas la mort ; il est déjà mort[23]. C’est ce « déjà-mort » qui le maintient en vie et quel que soit ce qui arrivera accidentellement au corps, lui promet la souveraineté sur la mort. Tous les figures africaines exemplaires, ces héros et héroïnes de la lutte anticoloniales, ces prophètes et martyrs morts pour leurs convictions, ont tous inscrit leur acte dans une syntaxe de vie où le « déjà-mort » leur a tenu lieu de boussole à l’horizon de leur propre mort. Car le « déjà-mort » ne meurt pas, il ne peut que survivre à sa mort. C’est seulement lorsque l’étrangeté de la vie oppresse le vivant par l’omniprésence de la mort que celui-ci s’éveille à l’émerveillement de la vie comme vivantité.

Le vivant n’est effectif en Afrique que par cette syntaxe de la vie affectée par la mort. Il faut que la mort enveloppe le vivant pour se lancer dans un devenir, mais qu’à l’inverse, ce vivant apprivoise la mort pour échapper aux maux dans lesquels il a été lui-même enveloppé. On ne peut donc réellement être vivant ici que dans la conjonction paradoxale d’une identification avec ce qui mortifie. Paradoxe, mais non point contradiction car il n’y a de distinction possible entre vivre et mourir que là où la « vivantité » se confond avec le mouvement de cette syntaxe, là où elle se fait part du nocturne d’une vie qui éclaire le jour d’après et qui organise l’humain pour rester vivant ; lorsque la souffrance qui se refuse à elle-même par crainte de souffrir devient la réalité de cette souffrance. À distance de soi avec soi-même et en cheminement vers l’autre, la vivantité agrandit l’espace et dilate le temps qui se met à la disposition de l’homme contre la fugacité du temps, hors du temps vécu qui en appelle toujours à la mémoire, aux souvenirs. Si le temps est irréversible, le passé ne peut être restitué, il faut chercher à s’en extraire. En revanche, la dilatation du temps anticipe et installe la mémoire dans le futur. Là où, en lutte contre notre finitude, elle vient s’approprier l’immortalité. Parce que les chiens ne réclament pas d’obsèques, selon un dicton bantou[24], le Covid 19 nous met en situation de mourir comme des chiens. Pourtant il faut savoir être vivant de sa mort pour ne pas finir dans la situation de « mort-vivant » que la société du « tout-profit » nous impose car l’on est jamais aussi vivant que lorsque la mort rôde.

Ainsi la vivantité nous permet d’être au monde dans un rapport où la vie se révèle à elle-même comme une procédure phénoménale par laquelle le vivant fait de sa mort la manifestation sublime du sens de sa vie. La conquête du vivant ne relève pas seulement de la vie au sein de son espèce mais d’une détermination de la vie par le recours à un vivant autre que soi grâce à une altérité qui rend la vie possible. La vivantité comme conscience vivante de la vie, à travers son propre vécu, passe par la vie de l’autre. Autrement dit, on ne devient vivant qu’en créant soi-même la syntaxe de la vie, c’est-à-dire en donnant vie au vivant entre les maux ; car la vivantité, toujours en situation, est l’exercice du devenir vivant à tout prix. Et contre vents et marées, choisir la liberté de l’être. Quitte à en mourir. Pour la raison toute simple que :

Dans ce pays / Où tout est maigre / Jusqu’à l’essentiel

Dans ce pays / Sous le ciel le plus ciel / Du Monde

Ce n’est pas la balle ni la bombe / Ni la faim ni la mort

Sous le ciel le plus ciel du monde

Ce n’est pas la peste ni le palu / Ni le sort qui nous tuent

Ce sont des foudres d’espoir

Tout ce que dans le blond sucre de canne

On mange d’espoir[25]

Bas les masques !

Étrange période donc que la nôtre où tout semble maintenant ouvert sur l’avenir alors que l’avenir, il y a peu, semblait encore interdit ; où se développe la croyance que l’implacable logique d’un système qui a démontré son incroyable incapacité à apporter la moindre solution aux désastres qu’il a engendrés ne saura survivre en l’état aux contradictions du Covid-19. C’est une vérité, en effet, que celle des limites de ce système, d’autant que la blessure occasionnée à même les corps, individuels et sociaux sera difficile à cicatriser. Mais il ne suffit pas que ce système soit tenu pour responsable pour s’en libérer. Il ne suffit pas aux citoyens d’être sauvés de la pandémie, de retrouver une vie « normale », pour que cette vérité portée à leurs corps les instruise, encore faut-il qu’elle ne soit pas limitée par l’idée de la mort. Rien de plus commun en effet que cet horizon auquel les êtres humains sont condamnés, d’autant que l’idée de la mort vers laquelle nous sommes précipités excite le pouvoir qui pense déjà en tirer une certaine légitimité à travers le bouleversement de sa propre hiérarchie de normes. Ordonnances et décrets en tout genre sont déjà sur le métier afin de produire du Droit de crise et en faire une puissance normative dans l’accompagnement post-traumatique des temps à venir. L’auto-légitimation « démocratique »[26] accompagnant les premières mesures révèle comment se fourbissent les armes de la communication juridique qui vont justifier les tyrannies qui s’annoncent.

Les sorties des crises passées devraient nous instruire. Les pouvoirs oligarchiques du « tout-profit » ont toujours sauvé le système financier de la faillite en imposant son renflouement par la masse des salariés et des retraités. Zéro impôt pour les entreprises du CAC 40. La spoliation qui vient s’imposera de la même façon : aux populations de rembourser la dette qu’on accumule sur leur dos au nom du Covid-19. Ce mode de gestion est le naturel même d’un État aux ordres d’un système auquel l’accumulation illimitée du capital ordonne de transformer les rapports des subjectivités en rapports entre marchandises.

Les États postcoloniaux ne s’en priveront guère qui trouvent là une occasion supplémentaire de confiner encore plus leurs populations dans un « coronarium » social d’où elles ne sortiront que pour éprouver à nouveau les mesures disciplinaires des ajustements structurels. Au demeurant, pourquoi payer des retraites à des individus que l’on aimerait voir emportés par le virus ?

Raison de plus de ne pas laisser cette situation sans réponse. Cela exige que la communauté supporte avec le Covid-19 la vérité qu’est pour les vivants de rendre leur monde habitable hors des clous du néo-libéralisme. À cette vérité avant tout écologique, la réponse politique indirectement donnée au désir de communauté autre est de se saisir de cette catastrophe pour soumettre ce constat à la raison de nos désirs. Aussi, pour que le changement social soit autre chose qu’un simple horizon, faudra-t-il que la facture sociale du Covid soit l’occasion d’accentuer la valeur négative immanente à cette civilisation pour que scission se fasse et que soit refusée à la politique post-Covid la tâche d’ordonner nos logiques collectives. L’enjeu est de taille puisqu’il est celui d’une rupture dont la mise à l’épreuve politique garantit l’intensité et accentue la valeur du refus. La société que nous laissera le Covid répond au caractère paradoxal d’une catastrophe toujours immanente mais qu’il nous faudra encore intensifier. L’enjeu est écologique, social, politique mais aussi moral, d’une morale de l’intensité qui, par son degré de puissance est une « intensité qui dramatise »[27]. Pour continuer à « devenir » vivants.


[1]   Sur la page Wikipedia du terme élément élevage intensif, on retrouve la définition suivante : « L’élevage intensif est une forme d’élevage industrialisé qui vise à augmenter fortement le rendement de cette activité, notamment en augmentant la densité d’animaux sur l’exploitation ou en s’affranchissant plus ou moins fortement du milieu environnant (confinement) ».

[2]   Pierre Bourdieu, « L’essence du néolibéralisme », Le Monde Diplomatique, mars 1998.

[3]   Urban Pickshaus (2001), Arbeiten ohne Ende. Neue Arbeitsverhältnisse und gewerkschaftliche Arbeitspolitik, ed. VSA, Hamburg, p. 13 cité par Alexander Neumann, « Au sujet de la vie mutilée », Variations [En ligne], 15 | 2011, mis en ligne le 01 février 2012, consulté le 19 avril 2020. URL : http://journals.openedition.org/variations/103 ; DOI : https://doi.org/10.4000/variations.103

[4]   Ne pas assister les siens dans leurs derniers jours, ne même pas pouvoir les porter en terre, voilà comment les temps épidémiques pervertissent et bafouent même les pratiques rituelles associées aux décès et aux funérailles.

[5]   Pierre-André Juven, Frédéric Pierru et Fanny Vincent, La casse du siècle. À propos des réformes de l’hôpital public, Raisons d’agir Éditions, Paris, 2019.

[6]   Gilles Châtelet, Vivre et penser comme des porcs. De l’incitation à l’envie et à l’ennui dans les démocraties-marchés, Coll. Folio actuel, Paris, Gallimard, 2000.  Ce livre très incitatif et d’une rare qualité pamphlétaire a été une source d’inspiration. Il m’a même soufflé le titre de cet article.

[7]   Cornelius Castoriadis, L’Institution imaginaire de la société (1975), éd. Seuil, coll. « Points Essais », 1999, p. 94.

[8]   Cornelius Castoriadis, Ibid, p. 179.

[9]   Ceci n’est pas sans rappeler le même double invisible qui oppose dans certaines sociétés africaines, les nganga (witchdoctors) au principe sorcellaire de l’evu ou kundu (witchcraft substance), fragment viral des sociétés lignagères porté, dans leur ventre et quelquefois à leur insu, par ceux que l’on qualifie communément de sorciers. Cf Patrice Yengo, Les mutations sorcières dans le bassin du Congo. Du ventre et de sa politique, Paris, Éditions Karthala, coll. « Hommes et sociétés », 2016.

[10] L’intérêt pour les éboueurs par ces temps de Coronavirus se comprend d’autant mieux que « le déchet est le produit de base le plus répandu de la société de consommation moderne liquide, […]. Ainsi le traitement des déchets est-il l’un des grands défis que la vie liquide ait à affronter. L’autre grand défi est la menace de devenir un déchet ». Zygmunt Bauman, La vie liquide, traduit de l’anglais par Christophe Rosson, Paris, Fayard-Pluriel, 2016, p. 20.

[11] Monadique au sens à la fois de Lamarck et de Leibnitz.

[12] « La raison du sensible, la condition de ce qui apparaît, ce n’est pas l’espace et le temps, mais l’Inégal en soi, la disparation telle qu’elle est comprise et déterminée dans la différence d’intensité, dans l’intensité comme différence » Gilles Deleuze, Différence et répétition, Éditions P.U.F., coll. « Epiméthée », 1968, 10e édition, 2000, p.287.

[13] Antonin Artaud, Le théâtre et son double, Paris, Gallimard, 1964, p. 145.

[14] Lion Murard, Patrick Zylberman, L’Hygiène dans la République. La santé publique en France ou l’utopie contrariée (1870-1918), Paris, Fayard, 1996.

[15] Emmanuel Lévinas, Humanisme de l’autre homme, Fata Morgana, 1972, p. 49.

[16] Le coronavirus est une couronne d’épines.

[17] Marcel Hénaff, Le Prix de la Vérité. Le don, l’argent, la philosophie, Paris, Seuil, 2002, p. 31.

[18] Marcel Hénaff, Ibid, p. 206.

[19] Theodor Adorno, Minima Moralia. Réflexions sur la vie mutilée, traduit de l’allemand par Éliane Kaufholz et Jean-René Ladmiral, Payot, « Critique de la politique », Paris, 2001.

[20] La question était déjà au cœur de la réflexion de Georges Canguilhem, Le Normal et le pathologique, « Essai sur quelques problèmes concernant le normal et le pathologique » (1943), Paris, PUF, 2005 . Celui-ci pour qui, «les maladies sont de nouvelles allures de la vie.» (Le Normal et le pathologique, p. 59) y répondait par la viabilité comme ce qui dans le vivant constitue le normal.

[21] Ce que traduit le dicton suivant en kikongo vernaculaire (Kituba) : « Muntu yi kele muntu, kaka na kimuntu na yandi » 

[22] Gilles Deleuze et Félix Guattari,Capitalisme et schizophrénie, Paris, Ed. de Minuit, 1980.

[23] Ce « déjà-mort » que l’on retrouve souvent sous la plume du grand chansonnier congolais Tabu Ley Rochereau : «  Na si na kufa kala, na zela se ko pola ». « Je suis déjà-mort depuis longtemps, je n’attends plus que la décomposition (de mon corps) ».

[24] Ebembe ya mbwa matanga te, dicton lingala qui signifie « Pas d’obsèques pour les chiens ».

[25] Sony Labou Tansi, Poèmes, Édition critique, Nicolas Martin-Granel et Claire Riffard (dir.), avec la collaboration de Céline Gahungu, CNRS Éditions, coll. « Planète libre », 2015, p. 557.

[26] Elle n’est pas sans rappeler la propagande des pays du Bloc de l’Est qui se revendiquaient du « socialisme réellement existant » dans leur lutte contre toute dissidence surtout lorsque celle-ci, à l’exemple de Léonide Pliouchtch, se réclamait ouvertement du marxisme et du communisme.

[27] Gilles Deleuze, Différence et répétition, op. cit. p. 316.

Patrice Yengo

Patrice Yengo, directeur de la revue Rupture, est chercheur associé à l’Ecole des hautes études en sciences sociales (EHESS).

Commentaire : 1

  1. […] Patrice Yengo, « Vivre et penser avec des masques. Exercices de « vivantité » par temps de Covid-19 », Social Scientists Initiatie Against Covid–19 in Cameroon, http://covid-19-cameroon.org/vivre-et-penser-avec-des-masques#page-content […]

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